Philtre

Doisneau©robert Doisneau

Viser dans un Rolleiflex, ou un autre appareil argentique de légende, c’est comme boire un breuvage qui t’enivre et te fait voyager dans le temps. Quand tu regardes l’image inversée sur le verre de visée, tes sens sont perturbés. Le temps se fige. L’image du 80mm/f:2.8 est belle, avec un joli bokeh. Tu fais le point. Et si tu es assez proche du sujet, en tournant la molette, tu « passes » facilement des lèvres, au nez, aux oreilles, chacun étant net quand les autres sont flous (dans le bokeh). C’est magique.

– « Oui, me dira-t-ON, mais tu fais pareil avec un zoom sur ton reflex numérique. « 
Ben non. Avec mon Rollei, tu n’as pas le bzzz bzzz de la mise au point auto, et les points rouges qui s’allument.

L’image est carrée. Carrément. Et ça aussi c’est un voyage dans le temps.
– « ON » me dit encore: « Maintenant, avec Instagram, le carré revient à la mode. »

Bon, « ON », tu commences à m’énerver. Moi, le format carré, ça m’évoque antan. Voilà. C’est tout et c’est comme ça!

Quand je te regarde à travers mon Rollei, je vois Marilyn, Grace Kelly, Frank Sinatra, Sophia Loren,  Cocteau, Montand… J’en passe. Je les vois qui, monter les marches, qui les descendre, qui la cigarette aux lèvres en contre-jour…

Quand je regarde dans mon Rollei, je pense à Doisneau, Depardon, Capa, Willy Ronis, Alfred Eisenstaedt, Vivian Maier… et j’aime imaginer leur vie à ce moment. Paisible à déambuler, ou dans leur résidence Provençale pour certains, à plat ventre sous le sifflement des balles pour un autre, malmené au pied de la passerelle d’une caravelle, ou encore dans  la cohue d’un festival.

Le Rolleiflex est à la photo ce que la DS est à l’automobile. Il a marqué son temps. Une bonne quarantaine d’année.Voire 50-60? 

ON me dit:  » Oui, mais avec le numérique, tu fais de bien meilleures photos! « 
ON, tu commences à me chauffer grave!  Je n’ai pas dit le contraire! Mais l’ambiance, ON, l’ambiance! Et le plaisir, ON, tu en fais quoi du plaisir?

Puis qu’il s’agit bien de ça, le-Plai-sir!
De prendre le temps, de regarder, de cadrer, d’apprécier, puis d’attendre de voir l’image sortir mouillée de la chimie, et de découvrir enfin le résultat de la prise de vue. Quelques fois des semaines plus tard.

Plai-sir, ON! 

Au fait, sais-tu avec quel appareil la photo officielle de notre président (F.Hollande) a été faite? Celle qu’on voit dans toutes les mairies. Je te le donne en mille! Un Rolleiflex! De 1963! Oui, oui…

Quand Raymond Depardon a mitraillé le président pour ce portrait, il avait trois appareils. De mémoire, un Leica M (argentique), un Canon reflex (Numérique), et un Rolleiflex. C’est un cliché du Rollei qui a emporté les suffrages. Le 12ème et dernier de la pellicule.

Qu’ajouter de plus?

 

©MAGNUM DISTRIBUTION / Vincent Catala
©Photos prises sur le Web. Pas d’auteur. Service photos de l’Élysée?

4 réponses sur “Philtre”

  1. Raaaaah les gens ! Mais là, d’un coup, tu me fais douter : moi qui croyais que, par chance, mon entourage et moi ne faisions pas partie de cette catégorie de personnes (je me sentais drôlement privilégiée), tu veux me faire croire qu’en fait, on est tous des gens/on (à jambon il n’y a qu’un pas…) ???!!??? Mince alors, la prise de conscience… Bon tant pis, je vais vivre avec, je serai le gens/on d’un gens/on alors ;oP

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